La question de l’état de santé du salarié et de la souffrance au travail a pris une importance considérable au cours de ces dernières années tant dans les pratiques des entreprises que dans celles des juridictions prud'homales et pénales.
D’importants changements survenus dans le monde du travail ont en effet favorisé l’émergence de risques nouveaux dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail : les risques psychosociaux.
Ces risques psychosociaux font référence à des situations de stress, de violence, de souffrance, de suicide, de dépression, mais aussi à des faits de harcèlement moral au travail.
Cette notion a été introduite dans le Code du travail sous l’article L.1152-1 du Code travail et sous l’article L.222-33-2 du Code pénal par la loi du 17 janvier 2002 dite de « modernisation sociale » et a donné lieu à un abondant contentieux judiciaire qui a permis d’en délimiter les contours.
Quels sont ses éléments constitutifs du harcèlement moral ? Quelles sont les obligations de l’employeur ? Quel est le rôle du CSE ? Du médecin du travail ? De l’inspection du travail ? Quelles sont les sanctions applicables ?
Faisons le point.
Sommaire
Quelle est la définition du harcèlement moral ?
Le harcèlement moral s’analyse en une conduite abusive d’une personne, qui par des gestes, paroles, comportements répétés entraîne la dégradation des conditions de travail d’un salarié qui se traduit par une atteinte à ses droits et à sa dignité, une altération de sa santé physique et mentale ou encore la remise en question de son avenir professionnel. Le harcèlement moral est un délit pénal réprimé par la loi.
Sources juridiques : Article L.1152-1 du code du travail et article 222-33-2 du code pénal
Quels sont les éléments qui caractérisent le harcèlement ?
Le harcèlement moral est constitué en cas :
- D’agissements répétés.
En effet, selon une position constante des juges, un seul agissement même grave ne suffit pas à retenir une situation de harcèlement moral par conséquent cette répétition est une condition nécessaire et déterminante.
- Ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de salariés entraînant :
- Des atteintes à leurs droits et à leur dignité caractérisées par des mesures vexatoires et des humiliations. (ex : propos blessants d’un supérieur hiérarchique ou des attaques inutiles sur un ton excédant celui qu’autorise le lien de subordination existant)
- Une altération de leur santé physique et mentale. (ex : brimades à l’encontre d’un délégué syndical à qui l’on confie des tâches dévalorisantes ne correspondant pas à sa qualification ou sur qui l’on effectue des retenues sur salaire injustifiées)
- La compromission de leur carrière ou avenir professionnel. (ex : mises à l’écart ou sanctions disciplinaires injustifiées)
Sources juridiques : Arrêt de la cour de cassation du 15 avril 2008, arrêt de la cour de cassation du 22 janvier 2014, arrêt de la cour de cassation du 6 février 2007 et arrêt de la cour de cassation du 11 décembre 2015
Quelles sont les obligations de l'employeur ?
L’employeur a une obligation de prévenir les agissements de harcèlement moral et d‘assurer la santé et la sécurité des salariés notamment en :
- Les informant et les sensibilisant les salariés sur la législation et les sanctions relatives en matière de harcèlement moral via le règlement intérieur de l’entreprise
- Les formant notamment les managers pour améliorer la connaissance, la prévention et l’identification des situations de harcèlement.
Par ailleurs, dans le cadre de son obligation de sécurité à l’égard des salariés, il est tenu de faire cesser le trouble et de sanctionner les auteurs de harcèlement moral.
NB : L’employeur peut engager sa responsabilité civile s’il ne prend pas les mesures de préventions nécessaires ainsi que des mesures immédiates propres à faire le harcèlement.
Sources juridiques : Article L.1152-4 du code du travail et article L.4121-1 du code du travail
Quel est le rôle du comité social et économique (CSE) ?
Associé avec l’employeur dans la prévention des situations de harcèlement moral, le cse peut :
- Susciter toute l’initiative qu’il estime utile et proposer des actions préventives. Si l’employeur refuse les actions proposées, il doit motiver sa décision
- Déclencher un droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes
- Faire appel à un expert agréé pour risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement.
Quel est le rôle du médecin du travail ?
Le médecin du travail est chargé de conseiller les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement moral. Cette mission est assurée par :
- L’équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par le médecin du travail dans les services de santé au travail interentreprises
- Le médecin du travail en coordination avec les autres acteurs de l’entreprise dans les services de santé au travail autonome.
Le médecin du travail peut également proposer des mutations ou transformations de postes justifiées par des considérations relatives à la santé physique ou mentale des salariés.
Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. À défaut de prise en compte des prescriptions médicales du médecin, l’employeur risque de voir sa responsabilité engagée et être condamnée à payer des dommages et intérêts aux salariés victimes.
Quel est le rôle de l'inspection du travail ?
L’inspecteur du travail peut intervenir tant à titre préventif que répressif. Ses missions sont notamment de :
- Faire modifier les clauses du règlement intérieur d’entreprise contraires aux dispositions sur le harcèlement moral
- Veiller à l’application des dispositions relatives au harcèlement moral
- Constater, le cas échéant, par des enquêtes les infractions commises dans l’entreprise en matière de harcèlement moral.
Sources juridiques : Article L.1321-1 du code du travail, article L.1321-2 du code du travail et article L.8112-2 du code du travail
Quelles sont les sanctions applicables ?
Les auteurs de harcèlement moral en entreprise s’exposent :
- À des sanctions disciplinaires prises par l’employeur en fonction de la gravité des faits : avertissement, mutation, mise en pied disciplinaire et licenciement pour faute grave
- À des sanctions pénales : jusqu’à 30 000 euros d’amende et deux ans de prison.
Sources juridiques : Article L.1151-5 du code du travail, article L.222-33-2-2 du code pénal et arrêt de la cours de cassation 21 juin 2006