Les comités sociaux et économiques disposent, en guise de ressources financières, obligatoirement d’un budget de fonctionnement et pour une grande majorité d’un budget d’activités sociales et culturelles (ASC).
Comment utiliser le budget de fonctionnement ? Quelles sont les limites à ne pas franchir ? Quelles conséquences en cas de non-respect du principe de séparation des deux budgets ?
Voici quelques éléments de réponse.
Sommaire
1. Séparation de principe entre le budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles
Aux termes du L.2315-61 du code du travail, tout CSE dispose d’un budget de fonctionnement, pour son fonctionnement et l’exercice de ses attributions légales. Il représente 0,20 % de la masse salariale brute dans les entreprises de cinquante à moins de deux mille salariés et 0,22 % de la masse salariale brute dans les entreprises d’au moins deux mille salariés.
Le code du travail étant muet sur la liste des dépenses déductibles du budget de fonctionnement, c’est au CSE d’imputer ses dépenses sur le bon budget en appliquant les 2 principes suivants :
- Tout ce qui a trait au fonctionnement et à l’exercice des missions légales du CSE, notamment celles se rapportant à la marche générale de l’entreprise et à la santé/sécurité, relève du budget de fonctionnement
- Les dépenses liées à une activité qui doit profiter, directement ou indirectement, aux salariés de l’entreprise relève du budget des activités sociales et culturelles.
Autrement dit, les CSE ne sont pas autorisés à utiliser leur budget de fonctionnement pour les activités sociales et culturelles et inversement.
Concrètement, le budget de fonctionnement va notamment servir à :
- Couvrir les dépenses de communication auprès des salariés et celles liées au fonctionnement du CSE (fournitures, dépenses d’affranchissement, frais d’abonnements juridiques, acquisition de matériel informatique, site internet, etc.).
- Suivre des formations (formation économique des élus titulaires prévue au 2315-63 CT mais aussi des formations d’initiation au droit du travail, d’approfondissement des connaissances pratiques en matière de santé/sécurité et de prévention des risques professionnels ou encore de spécialisation portant sur les questions financières et économiques, etc.).
- Recourir à un expert-comptable pour l’établissement de la comptabilité des CSE (obligatoire à partir de 153 000 euros de ressources financières) ou à l’occasion de certaines expertises déclenchées par les CSE et co-financées avec l’employeur (20% CSE et 80% entreprise) notamment à l’occasion de la consultation sur les orientations stratégiques.
- Rembourser les frais de déplacement (hors réunions plénières) des élus dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
- Faire appel à des prestataires spécialisés dans la rédaction des procès-verbaux de réunion.
2. Exception au principe de dualité budgétaire
Le législateur a prévu une seule exception au principe de séparation des deux budgets.
En effet, tout CSE peut décider de transférer jusqu’à 10 % de l’excédent annuel de son budget de fonctionnement sur le budget des activités sociales et culturelles (L. 2315-61 CT ; R. 2315-31-1 CT).
Cela signifie qu’un CSE doit attendre la clôture de l’exercice pour voir ce qui reste comme reliquat au terme de l’exercice comptable.
Par exemple, s’il reste 8 000 € à la fin d’un l’exercice comptable, le CSE ne pourra pas transférer plus de 800 €.
Attention, par conséquent, de ne pas commettre l’erreur de transférer 10 % des sommes figurant sur le compte de fonctionnement en fin d’année.
La décision du CSE d’opérer un tel transfert résulte d’une délibération adoptée en réunion à la majorité des membres présents.
La somme transférée doit être inscrite dans les comptes du CSE et dans le rapport annuel d’activité et de gestion lequel rend compte aux salariés des activités sociales, culturelles et économiques du comité.
3. Conséquences du non-respect du principe de dualité budgétaire
La question qui se pose ici est de savoir ce qui pourrait se passer lorsque le CSE utilise une partie de son budget de fonctionnement pour couvrir des dépenses liées à ses ASC.
Il convient d’évaluer les risques encourus et de déterminer les personnes qui pourraient contester.
- Côté employeur
L’employeur étant membre de droit du CSE et ayant accès à la comptabilité du comité comme tout autre membre pourrait contester cette mauvaise utilisation.
Si nécessaire, il pourrait même invoquer l’existence d’un trouble manifestement illicite et demander en justice l’annulation de la délibération par laquelle le comité a décidé d’utiliser son budget de fonctionnement pour financer ses ASC. Le juge pourrait interdire au comité d’engager la dépense projetée, voire de réintégrer dans le budget de fonctionnement les sommes déjà utilisées à tort pour les ASC (Cass. soc., 20 oct. 2021, n° 20-14.578).
- Côté de l’Urssaf
Lorsqu’elle contrôle les comptes du CSE, l’Urssaf vérifie que le CSE a bien respecté les règles d’exonération prévues pour les différentes ASC (notamment les conditions d’exonération des bons d’achat et des cadeaux en nature) mais aussi le principe de séparation des deux budgets
Précision : Sur un plan juridique, c’est l’entreprise qui est en premier lieu contrôlée et destinataire des notifications relatives à la procédure. Si redressement il y a, c’est l’entreprise qui devra le payer puisqu’elle est responsable du paiement des cotisations sociales. Ensuite, elle pourra éventuellement se retourner contre le CSE afin de récupérer les sommes payées.
- Côté délégués syndicaux
Une éventuelle contestation peut également venir d’une organisation syndicale présente dans l’entreprise. Estimant que le CSE ne respecte pas la règle de séparation des budgets, un syndicat minoritaire pourrait agir en justice contre le comité social et économique et demander au juge la réintégration des sommes dans le budget de fonctionnement.
Au-delà des risques juridiques et de redressement, l’utilisation du budget de fonctionnement pour couvrir des dépenses qui devraient normalement relever du budget des ASC peut être préjudiciable au comité social et économique et aux salariés. Rappelons en effet, que le budget de fonctionnement permet au comité d’exercer ses missions légales comme la défense de l’emploi, la santé et la sécurité des salariés. Il prendrait ainsi le risque de se priver de faire appel à des experts libres ou des avocats faute de liquidités disponibles pour les rémunérer avec leur budget de fonctionnement.
Par ailleurs, certains prestataires encouragent les élus à utiliser leur subvention de fonctionnement pour une prestation qui relève en fait des activités sociales et culturelles. Ce genre d’incitation peut se retourner contre le prestataire car, en trompant le CSE, il commet un vice du consentement et s’expose à une annulation pure et simple de son contrat pour manœuvres dolosives.
C’est ce qui a été jugé par la Cour d’appel le 9 février 2021 dans une affaire dans laquelle, un prestataire avait affirmé que l’achat d’un site internet devant essentiellement permettre aux salariés d’accéder à une billetterie pouvait être financé avec le budget de fonctionnement.
Nota bene : Les cadeaux publicitaires comportant le logo du CSE (batterie externe, thermos, calendrier de l’avent, clé USB, etc.) pour faire de la communication ne relèvent pas du domaine des activités sociales et culturelles. En cas de contrôle de l’URSSAF, ils pourraient être requalifiés en avantages en nature susceptible d’entraîner un redressement.