Vieux débat, ravivé notamment lors de chaque pique inflationniste, plus particulièrement dans un contexte de bénéfices records, la question du partage de la valeur a été remise au centre des priorités par le Gouvernement en invitant, fin 2022, les partenaires sociaux à négocier sur cette thématique.
Fruit de cette négociation, la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise crée de nouvelles obligations pour ces dernières, parmi lesquelles une obligation d’engager une nouvelle négociation lorsque des résultats exceptionnels sont réalisés. Objectif de cette mesure : « mieux prendre en compte les bénéfices exceptionnels des entreprises en incitant les entreprises à partager davantage la valeur ajoutée avec les salariés ».
Mais que recouvre exactement cette obligation ? Qui est concerné ? Que faut-il négocier ? Dans quel calendrier ? Et surtout, avec quels enjeux ?
Faisons le point.
Vieux débat, ravivé notamment lors de chaque pique inflationniste, plus particulièrement dans un contexte de bénéfices records, la question du partage de la valeur a été remise au centre des priorités par le Gouvernement en invitant, fin 2022, les partenaires sociaux à négocier sur cette thématique.
Fruit de cette négociation, la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise crée de nouvelles obligations pour ces dernières, parmi lesquelles une obligation d’engager une nouvelle négociation lorsque des résultats exceptionnels sont réalisés. Objectif de cette mesure : « mieux prendre en compte les bénéfices exceptionnels des entreprises en incitant les entreprises à partager davantage la valeur ajoutée avec les salariés ».
Mais que recouvre exactement cette obligation ? Qui est concerné ? Que faut-il négocier ? Dans quel calendrier ? Et surtout, avec quels enjeux ?
Faisons le point.
Sommaire
1. Qui est concerné par cette nouvelle négociation ?
Est concernée toute entreprise assujettie à la participation, eu égard à ses effectifs, et qui dispose d’un ou plusieurs délégués syndicaux.
Pour rappel, une entreprise est assujettie à la mise en place d’un dispositif de participation à compter du premier exercice ouvert postérieurement à une période de cinq années civiles consécutives où le seuil de 50 salariés a été atteint ou dépassé.
Cette condition initiale étant posée, celle-ci se conjugue avec une condition de temporalité puisque l’article L. 3346-1 du code du travail dispose que cette obligation ne s’impose aux entreprises que lorsque ces dernières ont ouvert « une négociation pour mettre en œuvre un dispositif d’intéressement ou de participation ».
Précisant cette disposition, l’administration énonce que cette obligation s’applique non seulement aux entreprises ouvrant une négociation pour la mise en place d’un des dispositifs précités, mais également aux entreprises disposant déjà d’un de ces dispositifs et ne comportant pas de clause spécifique de prise en compte des bénéfices exceptionnels ou n’ayant pas retenu une formule de calcul dérogatoire.
2. Que faut-il négocier ?
L’objet de cette négociation est alors double : il s’agit de définir ce qu’est un bénéfice exceptionnel, et de déterminer les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent.
- La définition du caractère exceptionnel
Plus précisément, la définition du bénéfice exceptionnel porte en réalité sur la mesure de ce bénéfice, et plus particulièrement sur le caractère exceptionnel de ce bénéfice.
En effet, la définition du bénéfice s’impose aux entreprises puisque l’article L. 3346-1 du code du travail renvoie au bénéfice tel que pris en compte pour le calcul de la participation aux résultats défini au 1° de l’article L. 3324-1 du code du travail.
Dans ces conditions, plusieurs questions se posent à laquelle la négociation doit permettre d’apporter une réponse : qu’est-ce qu’un bénéfice exceptionnel dans le contexte propre de l’entreprise ? Quels indicateurs financiers sont retenus ? Quel seuil de déclenchement ?
Dans la mesure où chaque entreprise est différente l’une de l’autre, les parties à la négociation, guidées par certains critères posés par le législateur, ont le champ libre pour déterminer les éléments de mesure de ce caractère exceptionnel et ainsi répondre aux questions précitées. Sans être exhaustifs, ces critères sont notamment les suivants :
- La taille de l’entreprise ;
- Le secteur d’activité ;
- Les bénéfices réalisés lors des années précédentes ;
- Les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.
À titre d’exemple, des entreprises du secteur de la plasturgie ont défini le bénéfice exceptionnel comme étant « une augmentation du bénéfice de plus de 50% par rapport à la moyenne des 5 dernières années précédant l’exercice clos ».
- La détermination des modalités de partage
Une fois le bénéfice exceptionnel caractérisé, la négociation doit ensuite porter sur les modalités de partage de ce dernier : sous quelle forme les salariés en bénéficient-ils ?
Quelques options sont alors possibles :
- Prime de partage de la valeur (PPV),
- Supplément d’intéressement ou de participation,
- Abondement sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE) ou un plan d’épargne retraite collectif (PER).
Il revient aux délégués syndicaux, au CSE et à la direction de l’entreprise d’ouvrir cette négociation, souvent dans le prolongement des discussions sur l’intéressement ou la participation.
Un accompagnement juridique et financier peut s’avérer utile pour :
- Analyser les résultats comptables et identifier les bénéfices “exceptionnels”,
- Construire des critères objectivables,
- Proposer des modalités de répartition sécurisées juridiquement et fiscalement.
Il convient également de préciser que les parties à la négociation peuvent également prendre un engagement plus « mou », et décider qu’une nouvelle négociation seraient ultérieurement ouverte « en cas de constatation d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice ». La marge de manœuvre est ainsi volontairement large afin d’adapter aux mieux la réponse à la réalité économique et sociale de l’entreprise.
3. Quel calendrier respecter et quelles sanctions en cas de manquement à l’obligation de négocier ?
La loi étant entrée en vigueur au 1er décembre 2023, les entreprises avaient initialement jusqu’au 30 juin 2024 pour entamer des négociations à ce sujet (notamment pour celles déjà couvertes par un accord d’intéressement ou de participation à cette date).
Cela étant dit, cette nouvelle obligation reste une obligation récurrente qui s’impose à chaque renégociation par l’entreprise de son dispositif d’intéressement ou de participation.
C’est donc un rendez-vous à ne pas manquer dans le cycle des négociations obligatoires.
Si cette nouvelle obligation n’est assortie d’aucune sanction explicitement prévue par les textes, son non-respect n’en reste pas moins sanctionnable sur plusieurs fondements :
- En cas de contrôle de l’inspection du travail, une mise en demeure pourrait être adressée à l’entreprise de se conformer à ses obligations ;
- L’administration qui recevrait l’accord d’intéressement ou de participation de l’entreprise à l’occasion de son dépôt pourrait également émettre des observations en l’absence de clause afférente à la détermination du bénéfice exceptionnel ;
- Des salariés pourraient en outre entamer une procédure prud’hommale sur le fondement d’une perte de chance de n’avoir pas pu profiter des fruits d’un éventuel bénéfice exceptionnel.
In fine, cette nouvelle obligation ne se limite pas à une formalité. Elle pose trois enjeux majeurs :
- Prévenir les tensions internes : en l’absence de dispositif de répartition, la diffusion publique des bénéfices exceptionnels peut créer un sentiment d’injustice ou d’inégalité.
- Sécuriser juridiquement l’entreprise : formaliser un cadre clair permet d’éviter les contentieux sur l’interprétation des résultats financiers ou sur l’absence de redistribution.
- Renforcer le dialogue social : cette négociation peut être l’occasion d’associer davantage les salariés à la stratégie de l’entreprise, en valorisant leur contribution aux performances exceptionnelles.